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Y a-t-il une relation entre pardon et guérison ? (2)

Extrait de l'enseignement donné lors de la Soirée Raphaël du 11 novembre 2018.

 

Je vous propose de poursuivre – sans l’achever toutefois - la petite réflexion biblique commencée lors de la Soirée Raphaël de septembre (2018) sur le thème : « Y a-t-il une relation entre pardon et guérison ».

 

1 - En préalable, je voudrais dire ceci :

  • Tout d’abord vous demander pardon car en parlant sur ce sujet je pourrai en blesser parmi vous, sans le vouloir et sans le savoir.

En effet, je sais très bien que tous, nous portons plus ou moins des épreuves, des blessures, qui peuvent parfois brouiller notre réception et notre compréhension de ce que l’on entend à propos du pardon.

 

Notre Seigneur Jésus-Christ lui-même, sur ce thème, n’a-t-il pas eu à faire face à cette incompréhension (Mt 18, 21-22) ?

  • Nous savons très bien que lorsque l’on est avec une personne qui souffre, ce ne sont pas forcément de discours dont la personne a besoin, mais c’est de notre présence, présence d’écoute, présence de compassion ;
  • Dans une Soirée Raphaël, il est de ma responsabilité de donner un enseignement qui se trouve être, comme Jésus lui-même nous le montre, un des 1ersactes de miséricorde (cf Mt 5 …) ;
  • Aussi, je demande à l’Esprit-Saint, l’Esprit d’humilité de m’envelopper afin que je m’exprime dans le Christ, lui qui s’est fait humilité pour chacun d’entre nous (Phi 2, 6-11) ;
  • Enfin, dans un court temps de prière, je vous demande, pour moi et pour chacun d’entre nous, d’invoquer en silence l’Esprit-Saint … car, comme le disait le Bx P. Marie-Eugène de l’Enfant-Jésus : « L’Esprit-Saint m’a toujours contrarié, mais en mieux » … Laissons-nous contrarier par l’Esprit-Saint !

Rappelons des faits ô combien douloureux et générateurs de grandes souffrances :

  • En 2015 était créée l’association « La parole libérée »… 
  • Il y a bientôt trois ans, les attentats du 13 novembre 2015 faisaient 130 morts et plus de 400 blessés dans les rues de Paris ;
  • Le 26 juillet 2016, le P. Jacques Hamel était assassiné par des islamistes ;
  • En octobre 2017, #balancetonporc était créé pour dénoncer les agressions sexuelles et les harcèlements ;
  • En 2017 l’actrice Alyssa MILANO relance le #metoo… créé 10 ans plus tôt ;
  • Je pense aussi aux emprises psychologiques qui constituent toujours un meurtre psychique ... parfois évident : maltraitance physique, psychologique, sexuelle, négligences ; 
  • Je pense également aux violences conjugales et à l’abandon vécu dans le couple par le départ de l’un des conjoints. Le Malin s’évertue à diviser ce « que Dieu a uni » …
  • Enfin, je n’oublie pas les emprises « psycho-spirituelles », entreprises monstrueuses qui, elles aussi, peuvent fracasser les personnes et leur famille.

Compte tenu de tout ceci et des personnes que nous recevons, nous les Serviteurs Raphaël, dans une pastorale de souffrance/guérison, je vais me risquer à dire quelques mots, en passant de l’humain à l’Évangile, puisqu’il n’y a rien d’humain qui ne puisse être vivifié et guérit par l’Évangile du Christ.

 

Je souhaite ainsi que cette Soirée Raphaël soit pour nous un de ces petits cailloux blancs (Ap 2, 17) sur le chemin de la guérison intérieure et physique que Jésus, le seul Sauveur, le seul Libérateur, désire offrir à chacun d’entre nous.

 

Outre toutes les démarches humaines (médicales, psychologiques, juridiques etc) qui ne sont pas de mon ressort, quel chemin de guérison spirituelle entreprendre ?

 

« Celui qui peut le plus, peut le moins » dit-on. En prenant ces lamentables réalités extrêmes, salissantes et avilissantes nous pourrons, j’espère, réaliser combien le pardon, même dans nos blessures les plus petites et les moins douloureuses, est indispensable pour notre vie, notre foi, notre paix intérieure et notre corps.

 

2 – Il y a des choses qui, dit-on, sont impardonnables :

 

C’est souvent ce que l’on entend à propos d’un abus d’autorité et de confiance, d’un crime de sang, d’un attentat terroriste, d’un viol

 

Cependant, certains pensent sincèrement qu’avec un « travail sur soi » comme l’on dit, probablement de type psychologique, il est possible de pardonner. En tant que chrétiens, nous savons que cela peut être d’une aide certaine, mais assurément incomplète.

 

Pardonner est loin d’être aisé, c'est même un « choix » ; et un « choix » très difficile. Mais c’est une étape nécessaire à la guérison, pour avoir enfin la « paix » intérieure. 

 

Un « choix », dis-je : déjà pour parvenir à « choisir » de pardonner … le chemin est ardu, surtout si on le vit seul. Et de « choisir » le pardon c’est déjà être en chemin de guérison. Il n’en demeure pas moins que le « choix » est personnel, personne d'autre ne peut le faire à notre place

 

Et nous savons que, déjà, le fait de choisir de pardonner nous fait entrer dans un chemin de Vie, un chemin de liberté ; liberté qui sera totale dès le pardon accordé. Cela peut prendre du temps, beaucoup de temps, parfois des années. 

 

Tant il est vrai, que les choses ne sont jamais figées : ce que l'on pense impossible un jour, ne veut pas dire que nous le penserons toute notre vie ... 

 

Alors, frères et sœurs en Jésus-Christ, entrons dès maintenant sur ce chemin de Vie, sur ce chemin de guérison que nous propose le Seigneur. N’est-il pas, Lui, le « Chemin, la Vérité et la Vie » (Jn 14, 6) ?

 

Décidons-nous pour la Vie … Jésus nous le dit : « Les paroles que je vous ai dites sont esprit et elles sont vie » (Jn 6, 53).

 

3 – Ce que « pardonner » n’est pas ?

 

Ne nous méprenons pas. Pardonner ne signifie pas oublier. Pardonner ne veut pas dire se résigner, loin de là. Pardonner ne signifie pas non plus approuver les faits, ni les minimiser, ni excuser les actes commis. Les faits restent les faits, le crime reste un crime. L'intolérable et l’inacceptable le reste et le restera.

 

Un viol reste un viol, et ce n’est pas approuver ni valider quoi que ce soit en donnant son pardon, et ce n’est pas se résigner que de pardonner.

 

Pardonner signifie :

  • Lâcher prise sur un passé que je ne pourrai jamais changer – ce qui est fait est fait ;
  • Abandonner tout espoir d'un passé meilleur – on ne réécrit pas l’histoire.
  • Ne plus jamais être enchaîné à son passé, et de pouvoir enfin vivre le présent. 
  • Pardonner signifie que je ne veux plus que la haine, la colère, la rancœur, le désir de vengeance soient les sentiments qui guident mon cœur et ma vie.
  • Je ne veux plus qu’ils soient des sentiments qui me « prennent la tête » et « le corps » aussi ; des sentiments qui m’emprisonnent et qui m’empoisonnent !

4 - Haine, colère et vengeance

 

Sentiments de colère et de haine envers telle personne, telle catégorie de personne, par exemple : les hommes, les femmes, les « représentants » de telle ou telle institution … fut elle laïque, religieuse, militaire, civile, associative, éducative …

 

Si je n’ai que soif de vengeance dans mon cœur, je ne vois que le mal qu'on m'a fait, cela me crispe intérieurement et j'ai envie de le rendre ... et mon corps s’en ressent.

 

Car mon corps, dans sa douleur, dans sa maladie, peut me dire quelque chose de mon « intérieur »

 

De plus, je mets souvent ces catégories de personnes dans le même panier, du côté du violeur, ou parfois pire, je les considère comme des violeurs potentiels, des abuseurs psychologiques, des abuseurs spirituels, des terroristes potentiels, des infidèles potentiels à leur engagement publique de couple etc …

 

Il y a alors tellement d'agressivité en soi, il suffit qu'une de ces personnes nous parle pour se braquer et se renfermer dans sa carapace de violence et de haine... 

 

La façon de se protéger peut-être la froideur, l’agressivité, le jugement a priori, la condamnation même …

 

Du fait de cette souffrance, notre jugement, notre appréhension des choses est alors erronée, embuée, étroite, limitée, et la haine l'emporte sur la raison. « Si la passion vous anime, laissez la raison tenir les rênes » (Benjamin Franklin (1706-1790).

 

Le Malin travaille à nous séparer du Christ, de sa parole de Vie, de son Église, des gens quel qu’ils soient.

 

Comme le dit l’Écriture : « L’abîme appelle l’abîme » (Ps 42, 8). Un excès conduit à un autre excès. C’est de cette expression biblique qu’est né notre proverbe français : Un malheur ne vient jamais seul

 

En effet, cette blessure subie, ce drame vécu, va créer d’autres blessures – semblables ou pas - que je risque de faire subir à mon tour à d’autres personnes qui n’y sont pour rien ; sans même parfois penser que ces blessures sont la conséquence de ma « blessure-source » …

 

5 – En route vers la délivrance.

 

Voilà la situation de misère et de mort spirituelle dans laquelle cet acte me plonge durablement. 

 

Le pardon est une résurrection spirituelle qui répond à la mort spirituelle du péché subi qui peut m’entrainer à commettre à mon tour un autre péché …

 

Concrètement, cela veut dire que la grâce toute-puissante de Dieu transforme mystérieusement les dispositions de mon cœur

 

Elle l'arrache progressivement a son repliement mortel sur lui-même – ce que j’appelle un « enfer-mement » - pour l'ouvrir de nouveau à la lumière de la vie divine qui va guérir mon âme, mon esprit et mon corps (cf. l’anthropologie de St Paul).

 

Comme le disait Gandhi, « Vous ne devez pas perdre espoir en l'humanité. L'Humanité est un océan : même si quelques gouttes sont souillées, l'océan ne le devient pas ». 

 

Avec un tel désir de vengeance en soi nous pouvons avoir envie de faire souffrir autant que nous avons souffert. En tant que chrétien, nous savons que c’est le Malin qui nous tente.

 

Nous pouvons avoir souvent des pensées si violentes en soi ! Notamment celle-ci : « je veux que mon agresseur souffre à son tour ». Et l’on s’imagine que cela nous soulagera de savoir que le malheur de cette personne nous rendra enfin heureux et en paix … Mensonge !

 

Et je ne parle pas ici de la colère possible envers moi-même !

 

6 - Jusqu'au chemin du pardon

 

Lors du pèlerinage du Rosaire à Lourdes début octobre dernier, Anaïs, 27 ans, victime d’abus sexuel dans sa jeunesse, témoignait ainsi :

 

« Les victimes ont besoin d’être entendues, d’être accueillies dans leur détresse … elles ne doivent pas en vouloir à Dieu. Si la colère est naturelle, nul ne peut trouver l’apaisement dans un chemin de haine. Le pardon est une grâce que les victimes doivent rechercher[1] ».

 

Le pardon fait partie de l’ADN de l’Évangile. Pardon reçu, pardon donné. Malheureusement, cela veut dire aussi que, depuis le péché originel, le péché fait aussi partie de notre ADN, à l’image de l’ivraie semée parmi le bon grain, dans le même champ, c’est-à-dire dans notre vie humaine (Mt 13, 24-30).

 

Laissons le désir de pardon nous habiter. Laissons Dieu déposer ce désir en nous car il est vrai que si le pardon ne change pas le passé, il élargit le futur !

  1. Pour nous aider, nous pourrions nous inspirer de cette parole de Ste Thérèse de Lisieux :

Ste Thérèse de Lisieux disait, dans son Acte d’Offrande, à propos de la sainteté : « Je désire être sainte, mais je sens mon impuissance et je vous demande, ô mon Dieu ! d’être vous-même ma sainteté. »

 

Reprenons son inspiration : « Je désire pardonner, mais je sens mon impuissance et je vous demande, ô mon Dieu, d’être vous-même ce pardon ».

 

Et elle poursuit : « Oui, je le sens lorsque je suis charitable, c’est Jésus seul qui agit en moi ; plus je suis unie à Lui, plus aussi j’aime toutes mes sœurs. » (Manuscrit C, 13 r°)

 

A notre tour, reprenons cette inspiration : « Oui, je le sens lorsque je suis charitable, c’est Jésus seul qui agit en moi ; plus je suis unie à Lui, plus aussi je désire, comme Lui et à sa suite, offrir le pardon ».

 

Il s’agit donc bien d’abord de notre propre conversion ; et ce n’est ni facile ni immédiat, ni définitif !

  1. Que nous dit St Paul ?

« Nous ne luttons pas contre des êtres de sang et de chair, mais contre les Dominateurs de ce monde de ténèbres, les Principautés, les Souverainetés, les esprits du mal qui sont dans les régions célestes » (Eph 6, 12).

 

St Paul ne consi­dère la chair et le sang que comme les ins­tru­ments aveugles d’une puis­sance bien su­pé­rieure, qui se sert de la cor­rup­tion de l’­homme pour ar­ri­ver à ses fins. Cette puis­sance est celle du dé­mon et des ha­bi­tants de son royaume de ténèbres (Eph 1, 21 ; Col 1, 16).

  1. Que dit St Pierre à Jésus ?

« Seigneur, lorsque mon frère commettra des fautes contre moi, combien de fois dois-je lui pardonner ? Jusqu’à sept fois ? » (Mt 18, 21).

  1. Que disait le P. Jacques Hamel, assassiné le 26 juillet 2016 par 18 coups de couteau ?

Tombé à terre à la suite des premiers coups, il essaie de repousser son assaillant avec ses pieds et dit : « Va-t’en Satan ; Va-t’en Satan » Et la Pape François de déclarer : « tuer au nom de Dieu est satanique ».

  1. Enfin, reprenons les paroles de Jésus lui-même :

A la question qui lui est posée à propos du pardon, « Jésus répondit : « Je ne te dis pas jusqu’à sept fois, mais jusqu’à soixante-dix fois sept fois » (Mt 18, 21).

 

Et la parabole s’achève par :

 

« Dans sa colère, son maître le livra aux bourreaux jusqu’à ce qu’il eût remboursé tout ce qu’il devait. C’est ainsi que mon Père du ciel vous traitera, si chacun de vous ne pardonne pas à son frère du fond du cœur » (Mt 18, 34-35).

 

L’apparente fermeté de cet enseignement du Christ nous montre l’importance du pardon offert car il s’agit là d’une véritable délivrance, d’une véritable guérison et le premier bénéficiaire du pardon : c’est moi-même !!!

 

Dernièrement, à l’occasion de la fête de la Toussaint, l’Évangile des Béatitudes a été proclamé – ce qui a été fait au début de cette Soirée Raphaël.

 

Je suis frappé de constater que seules les paroles de Jésus à propos de la Miséricorde sont en « réciprocité », si je puis dire, c’est-à-dire :

  • Dans sa 1ère catéchèse, les Béatitudes, Jésus nous dit : « Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde (Mt 5, 7).
  • Au chapitre suivant, lorsque Jésus nous apprend la prière du Notre Père, il nous enseigne : « Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés » (Mt 6, 12).

Et comme Jésus sait bien que, pour nous, pardonner est difficile, il nous indique de le mettre, Lui, au centre de la démarche et de le suivre.

 

C’est cela être son disciple, c’est-à-dire son « élève ».

 

Cette grâce nous est offerte, insiste saint Paul, par Dieu lui-même, qui nous dit aujourd'hui : « Au moment favorable, je t'ai exaucé ; au jour du salut, je t’ai secouru » (Is 49, 8 ; 2 Co 6, 1-2).

 

Gageons que ce moment favorable, c’est maintenant ! Demandons cette grâce de libération, de délivrance, de guérison.

 

7 – Prions :


Que Marie, Mère du pardon, nous aide à accueillir la grâce du pardon que Jésus nous offre en abondance. 

 

Qu'elle fasse de cette Soirée Raphaël un extraordinaire temps de grâces pour tous et, pour chaque personne qui recherche Dieu, le moment favorable, le temps de la réconciliation, le temps du salut, le temps d’une profonde guérison !

 

 

[1]Journal La Croix du 5 octobre 2018.

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